Actualité du dopage

Le coup de blues de Christophe Bassons


17/07/1999 - L'Humanité - Jacques Cortie

"Cent cinquante-huit coureurs au départ ce matin. Un coureur, le 159, Bassons, n'a pas pris le départ." C'est par ce communiqué laconique, comme tous ceux de Radio Tour, que la caravane a été informée de l'abandon du coureur de la Française des jeux (...). Aux abords du village départ dressé à Saint-Galmier, l'effervescence était tout autre, avant que Jean-Marie Leblanc ne donne le départ officiel. Électrique, pour tout dire. Même si les coureurs, au moment d'aller signer, évitaient les déclarations et faisaient comme si de rien n'était. Certains pourtant s'emportaient. Et pas forcément dans le sens que l'on pouvait supposer.

Thierry Bourguignon était de ceux-là. Et sa mauvaise humeur, surprise, ne concernait pas les problèmes soulevés par Christophe Bassons. Bourguignon, vétéran du peloton et héros malheureux de l'étape de l'Alpe-d'Huez, avec Stéphane Heulot, était sur un autre registre. (...) Le doyen du Tour tempêtait et s'emportait. Pour exprimer son ras-le-bol, il enfourchait un discours trop répandu depuis le départ du Tour du "renouveau" ainsi qu'il a été baptisé par les organisateurs. "Oui, je suis content de faire du vélo. Oui, c'est un beau Tour de France et je suis content d'en être. Dès qu'il se passe quelque chose, dans un sens ou un autre, vous déclenchez la suspicion. Vous croyez qu'on s'est échappé avec Stéphane pour faire semblant et que le peloton avait mis le frein pour nous faire plaisir ?"

Adossé au bus de son équipe, Bourguignon fait penser à un boxeur dans les cordes. Il tonne ses arguments et donne des coups dans tous les sens : " Nous, le cyclisme, vous nous poursuivez. Vous en faites cent fois moins quand il s'agit du football. Je m'en fous, moi ce qui m'intéresse c'est mon sport, et vous le détruisez." Bourguignon, qui faisait partie des coureurs sensés et capables de faire éclater quelques bonnes vérités, a tourné casaque. De manière agressive. À quelques mètres à peine des voitures de la Française des jeux où la tension est, en revanche, à son comble.

Marc Madiot n'est pas là. Pour ne pas s'emporter ? C'est donc son frère Yvon qui affronte la meute. En quelques phrases il décrit la soirée de jeudi, qui a sans doute amené Bassons à jeter l'éponge : " À neuf heures du soir, on lui a fait remarquer qu'il n'était pas allé au massage, qu'il n'avait pas mangé. Le problème n'était pas qu'il donne des interviews, mais qu'il ne respecte pas les nécessités d'un sportif de haut niveau. "

Christophe Bassons, victime de sa liberté de ton, est très sollicité depuis le début du Tour. Il n'hésite pas à parler, à remettre en cause. Une attitude bien dans la veine de ce personnage écorché vif, qui dans un milieu, plus Milieu que jamais, utilise sa liberté d'expression. Une faute sans doute aux yeux de tous les autres. Jeudi, c'est le maillot jaune lui-même, Lance Armstrong, qui était allé lui demandé, en plein peloton, dans l'intimité des coureurs donc, d'arrêter de parler et d'alimenter les critiques par ses déclarations. Le soir à l'hôtel il semblerait que ce soit ses propres coéquipiers qui lui aient demandé de mettre "pédale douce". Avant-hier soir, encore, des confrères ont vu le jeune coureur en larmes. Hier matin, il a quitté le Tour. De très bonne heure. Sans voir ni ses coéquipiers ni son encadrement. Comme un pestiféré. Il y a deux jours, après l'Alpe-d'Huez, il disait : " Tout le monde veut parler, mais personne ne va au bout." (...)

Ce que Bassons dit n'a rien à voir avec les paroles de Bourguignon. Ni avec celles des promoteurs du renouveau. Mais ce que dit Bassons n'est pas si mal intentionné. Toujours après l'Alpe-d'Huez, son franc-parler et sa lucidité lui faisaient reconnaître : "Ce soir je suis 66e. Je suis très loin au général. Mais les autres années, je ne serais même pas rentré dans les délais." La conclusion, il la tirait logiquement : "Ça s'est amélioré (...)."

(...) Un diseur de vérités est toujours un empêcheur de tourner rond. Le jeune Bassons pouvait-il résister à toutes ces pressions ? En craquant hier matin (le toubib de l'équipe parlait de " blessure psychologique aussi grave qu'une blessure physique "), Christophe Bassons a prouvé deux choses essentielles. La lutte contre le dopage ne peut être l'affaire d'un seul. Le cyclisme n'est manifestement pas prêt aux opérations vérité.

(...)


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Cette page a été mise en ligne le 11/09/2005