L'actualité du dopage



Des médecins d'équipes cyclistes sont accusés de favoriser le dopage

31/5/2000 - Le Monde - Yves Bordenave

Extraits

Voilà trois mois (...) éclatait une nouvelle affaire de dopage concernant le milieu cycliste amateur. Surpris (...) par une patrouille de gendarmes dans la nuit du 29 février à bord d'une Fiat Punto alors qu'ils s'apprêtaient à s'injecter des amphétamines, Grégory Delfour et Eric Martin, tous deux âgés de vingt-cinq ans, licenciés au club cycliste de Narbonne, ont dévoilé par la suite l'existence d'un réseau de trafiquants de produits dopants et stupéfiants. A ce jour, l'instruction confiée au juge perpignanais Francis Boyer, a conduit à la mise en examen de vingt-trois personnes dans les régions du Languedoc-Roussillon et de Rhône-Alpes.

(...) La plupart des personnes mises en cause appartiennent au milieu cycliste et plusieurs témoignages révèlent la collusion avec des médecins sportifs intervenant dans le milieu professionnel.

Ainsi Jérôme Laveur-Pedoux, vingt-sept ans, coureur professionnel dans l'équipe belge Home-Market en 1998, après avoir été semi-professionnel durant quatre années dans les formations Castorama et Festina, interpellé le 4 avril, avoue : «J'ai pris de l'érythropoïétine qui m'avait été fournie par le docteur... [figure ici le nom d'un médecin belge connu dans le milieu cycliste] en 1998. »

Avant de consulter ce praticien qui lui facturait ses « conseils » à raison de 2 000 francs par mois, Jérôme Laveur-Pedoux, avait rendu visite à un médecin de la banlieue bordelaise. Ce dernier, actuellement médecin d'une équipe professionnelle, membre d'instances sportives et médicales, n'a jamais prescrit de produits illicites. « Il m'a toujours indiqué qu'il ne pouvait pas prescrire l'EPO, ni les corticoïdes en surnombre, et que pour ce faire je devais aller vers le marché noir », affirme Jérôme Laveur-Pedoux.

Cependant, il déclare un peu plus loin dans le même procès-verbal que le praticien lui a « fourni de l'EPO et des corticoïdes », mais sans prescription. « Concernant l'EPO, il arrivait que le médecin en fasse rentrer d'Espagne ou de Suisse et le revende au noir. En 1998 [ici figure à nouveau le nom du docteur belge] ...m'a vendu quatre boîtes d'Eprex 4 000 (ndlr, une marque d'EPO) au prix de 3 000 francs », précise l'ancien coureur.

(...)

Thierry Laurent, trente-quatre ans, également éloigné des pelotons, entendu le 7 avril, a passé onze ans chez les professionnels (RMO, Novemail, Castorama, Agrigel, Festina). Contrôlé positif en 1996, il consomme et vend du pot belge. Il s'approvisionnait auprès de Rudy Jongen, soigneur de l'équipe professionnelle néerlandaise Novemail. « Pour pouvoir rester au niveau, j'ai utilisé des corticoïdes prescrits par le médecin de mon équipe en 1995 et 1996. En juin 1999, lorsque j'ai arrêté la compétition, j'ai augmenté ma consommation personnelle. » De 1996 à avril 2000, date de son arrestation, Thierry Laurent reconnaît avoir vendu une centaine de pots belges en réalisant de 400 à 500 francs de bénéfice par unité.

Un autre coureur, Vincent Chausse, trente-quatre ans, auditionné le 5 mai, raconte aux gendarmes qu'il est un habitué des corticoïdes et de l'EPO. « En février 2000 j'ai acheté une boîte d'Eprex 10 000. Une cure revient à 7 000 francs », dit-il. Recommandé à un médecin de Saint-Etienne, le docteur Jacques Léonard - appréhendé par les gendarmes - Vincent Chausse décrit les cures d'EPO. « Je faisais des séries de 2 000 à 4 000 unités tous les trois ou quatre jours. Le docteur Léonard me prescrivait des corticoïdes et de la testostérone », détaille-t-il.

Parmi d'autres dépositions, figurent celles d'un pharmacien de Villeneuve de Marc (Isère), Bertrand Delage, et du champion de France de cyclo-cross 1997, 1999 et 2000, Christophe Morel, vingt-cinq ans, employé par l'équipe Besson. « Je suis cycliste depuis 1986. J'ai tenté une consommation d'EPO en 1999, pendant tous le mois de novembre. Je préparais des compétitions, notamment la Coupe de France. Je me suis arrangé, parce que je ne suis pas idiot, pour que ces consommations ne puissent être décelables », assure ce dernier. « On est prévenu plusieurs jours à l'avance d'un contrôle longitudinal. Donc je me méfiais. »

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