Actualité du dopage



Un passeport pour un sport propre

23/10/2007 - Libération - Cédric Mathiot

Extraits

Le passeport biologique pour sauver le vélo ? Hier, dans le cadre des rencontres internationales contre le dopage dans le cyclisme, organisées par le ministère de la Jeunesse et des Sports, l'Union cycliste internationale et l'Agence mondiale antidopage (AMA) ont annoncé la mise en place dans le peloton, si possible dès 2008, d'un «suivi biologique» (...).

Une longue génèse.

L'idée d'un suivi biologique des athlètes est déjà ancienne. L'AMA évoque le «passeport biologique» depuis 2002. Il s'agit de passer de méthodes de détection directe des substances dopantes à «l'utilisation de paramètres biologiques dont les variations permettent de mettre en évidence l'usage de substances», explique le professeur Michel Audran, responsable du laboratoire de biophysique et bioanalyses à l'université de Montpellier. «Il s'agit de passer du contrôle radar - dont l'emplacement est souvent connu - à un enregistreur embarqué mesurant la vitesse en permanence», suggère Alain Garnier, directeur médical de l'AMA (...) : «Les limites du système actuel [de l'antidopage, ndlr] sont atteintes. Face à l'apport des biotechnologies et des nouveaux protocoles de dopage (EPO par microdose, manipulation sanguine autologue, recours aux facteurs de croissance ou aux thérapies cellulaires), la tentative de caractérisation d'une substance dans l'organisme à un moment donné n'est plus suffisante.»

Comment ça marche.

Avant de rechercher des variations suspectes, il convient d'établir le profil hématologique dit «normal» de chaque athlète. Palier décisif : le laboratoire de Lausanne a validé en début d'année un modèle qui permet d'«établir le domaine de variation normal des paramètres hématologiques d'un individu donné», dit Michel Audran. Ce modèle, qui a reçu le consensus d'experts (...), tient compte de l'âge, de l'origine ethnique ou de la spécialité sportive de l'athlète. Pour établir ce «portrait», Michel Audran estime que sept prélèvements sanguins sont nécessaires. «L'idéal est d'avoir trois prélèvements en précompétition, trois hors compétition - trois inopinés sur les six - et un réalisé en période de repos.» Tout contrôle permet par la suite d'affiner le profil et fixe pour chaque paramètre des valeurs minimales et maximales. Innovation majeure : les sanctions pourront intervenir en cas de dépassement des normes individuelles établies, et non plus d'une norme collective comme c'était le cas jusqu'à présent. Exemple : alors que le plafond hématocrite est fixé à 50 % pour l'ensemble des sportifs, un dépassement de 45 % chez un individu pourra être interprété sans risque d'erreur comme consécutif à la prise de dopant. Ce passeport permettra de détecter les prises d'EPO et manipulations sanguines de tout type, ou encore les stabilisateurs HIF, ces déclencheurs de production endogène d'EPO, qui s'annoncent comme les dopants de demain. (...) L'élaboration d'un profil stéroïdien individuel devrait suivre, sur la base de contrôles urinaires. A terme, l'agence ambitionne un vrai passeport biologique, à même de renseigner aussi sur les prises de stéroïdes ou de corticoïdes.

Les contraintes du système.

Pour être opératoire, ce système implique une standardisation parfaite des processus de contrôle (...). Michel Audran note aussi que pour être valides, certaines analyses doivent être effectuées dans les huit heures, ce qui implique des laboratoires ambulants ou proches. Ceci a un coût (qui n'a guère été abordé hier) et suppose une énorme logistique. D'autant que ce suivi ne se substituera pas aux contrôles classiques qui continueront d'être menés. Interrogé sur le volume potentiel de cyclistes concernés, Alain Garnier estime que les capacités actuelles permettent de réaliser entre 3 000 et 4 000 prélèvements par an, ce qui représente environ 600 sportifs. Les autres zones d'ombre sont juridiques. «La condition du succès, dit Alain Garnier, est que les fédérations acceptent que les profils anormaux donnent lieu à des conséquences.» En l'état, le code mondial antidopage autorise, si la tentative de dopage est avérée, des sanctions aussi lourdes que si l'athlète a été contrôlé positif. Rien ne dit que l'UCI et les fédérations qui prendront la suite iront jusque-là. La fédération cycliste semble vouloir, dans un premier temps sanctionner les profils déviants d'une simple interdiction de prendre part à la course. A la question de savoir si l'UCI envisageait d'aller plus loin, Peter Hemmersbach, un de ses responsables antidopage, a répondu hier : «C'est une question difficile.»

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Cette page a été mise en ligne le 23/10/2007.