Actualité du dopage

Trek, le truc d'Armstrong


10/04/2008 - cyclismag.com - Pierre Carrey

Quel culot ! Un journaliste du site australien Cyclingnews a osé demander à l'avocat de Trek si la procédure entamée cette semaine par le fabricant de vélos contre Greg LeMond pouvait avoir un vague rapport avec Lance Armstrong. Bob Burnes a répondu : "Lance Armstrong n'a pas de marque. Il est un athlète et un porte-parole de Trek." Circulez, il n'y a rien à voir ! Greg LeMond avait une marque, lui. Elle portait son nom depuis 1995. C'était une filiale de Trek. Seulement, la firme est devenue quatre ans plus tard l'emblématique équipementier d'Armstrong. Un champion a chassé l'autre. Surtout lorsqu'entre les deux vainqueurs du Tour de France la guerre a éclaté. Mardi, Trek a demandé au tribunal fédéral de Madison (Wisconsin) de résilier l'accord commercial qui le liait à Greg LeMond jusqu'en 2010. Lance Armstrong est-il vraiment étranger à cette procédure judiciaire ?

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Abrégeons dès à présent l'insupportable suspense : oui, l'ex-leader d'US Postal et de Discovery Channel est bien à l'origine de la décision de Trek. Reste à savoir dans quelle mesure. Car le fabricant de cycles a ouvertement reproché à Greg LeMond d'avoir diminué la valeur de la gamme LeMond et celle des vélos Trek en général par ses commentaires sur le dopage. (...) Qu'est-ce que LeMond a précisément déclaré sur le dopage ? Le 15 juillet 2001, il s'est dit "déçu" dans les colonnes du Sunday Times de la collaboration entre Lance Armstrong et le Dr Ferrari. Il a récidivé quelques jours plus tard, interrogé par un journaliste de Sports illustrated.

Greg LeMond ne le savait peut-être pas, mais il a commis un crime de lèse-majesté. Au-delà des clauses contractuelles de son accord avec Trek qui lui interdisaient tout commentaire public à l'endroit de Lance Armstrong, il s'en est pris au chouchou de la marque depuis 1999. Lequel possède des actions de Trek (moins d'un pourcent). (...)

Dans la foulée de son interview au Sunday Times, Greg LeMond a été assailli de coups de fil. De nombreux proches d'Armstrong, puis Armstrong lui-même. "Il avait menacé ma femme, mon business, ma vie", résume-t-il à L'Equipe en 2006. Ce mois de juillet 2001, Greg LeMond a aussi été contacté par John V Burke, PDG et propriétaire de Trek. "Il avait un gros problème [...] Lance et Bill Stapleton [l'avocat d'Armstrong, NDLR] l'avaient appelé en lui mettant une pression incroyable pour qu'il obtienne de moi des excuses et une rétractation publique," explique Greg LeMond le 27 octobre 2005 dans une déposition sous serment à Minneapolis. Dans la presse des déclarations circulent bientôt, où LeMond fait marche arrière. Il s'agit d'un faux. Stapleton et suspecté.

(...) En l'espace de six ans, LeMond critique Armstrong dans la presse, Ballester et Walsh publient LA Confidentiel, la pression contre LeMond s'accentue aux Etats-Unis, Ballester et Walsh publient LA officiel. Le 25 juin 2006, LeMond rappelle à L'Equipe qu'en 2001, Armstrong "a mis la pression sur Trek". Pourtant, au moment de cette interview, il est confiant. Il estime même qu'avec la marque de cycles, ses relations sont "bonnes". Il ajoute : "Mais Lance possède une part de Trek. Je suis sûr qu'il aurait aimé que je ferme ma boutique."

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Deux ans plus tard, le rideau se baisse. Trek a déjà fait ses comptes : sur un chiffre de ventes annuel de 700 millions de dollars, les vélos Greg LeMond ne lui rapportaient "que" 15 millions au maximum. Le fabricant de cycles fait travailler 1.600 employés et 5.000 revendeurs dans le monde. Des affaires florissantes qui tiennent le discours contre le dopage pour une contrepublicité. Dans l'affaire LeMond, il existe deux hypothèses. La première, dans le droit fil paranoïaque de LA officiel et de sa sphère d'influence capable de pirater des ordinateurs pour parvenir à ses fins, c'est un coup de téléphone d'Armstrong à Trek pour en finir avec LeMond. (...)

La seconde, c'est que le fabricant ait agi spontanément, comme il l'affirme. Au fond, cette option est la plus inquiétante. Car elle présenterait Trek comme un sponsor à côté de la plaque, à l'heure où la lutte antidopage n'est plus discutée par personne. Les organisateurs, les institutions, les médias s'impliquent dans le dossier. Plusieurs partenaires, annonceurs et équipementiers imposent des conditions voire se désengagent du cyclisme en invoquant l'éthique.

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Par la voix de son PDG John V Burke, Trek a déclaré : "Ses actes [de Greg LeMond] sont incompatibles avec nos valeurs. Des valeurs auxquelles nous croyons et que nous vivons chaque jour." Mais quelles valeurs au juste ? En 2005, selon une chronologie établie par Trek, LeMond se serait engagé à cesser ses interventions sur le dopage. Il aurait donc brisé sa promesse. Burke précise : "Le dopage est un sujet très important pour notre secteur. Nous n'avons jamais découragé Greg de s'exprimer à propos du dopage dans le cyclisme. Nous savons qu'il y a une différence entre s'attaquer à un problème et détruire des réputations." (...) Dans ce cyclisme américain aux allures de far-west, il n'y a pas de place pour deux cow-boys. Il fallait en descendre un et Trek a fait son choix.

Le 31 décembre dernier, Nike et Trek ont clot d'un commun accord leur partenariat dans le cyclisme. La marque à la virgule souhaitait mettre un point final à son investissement dans ce sport. Lance Armstrong avait fait les beaux jours des deux firmes. Une page s'est définitivement tournée le 10 mars lorsque Dick Burke, le fondateur de Trek, est mort des suites d'une opération du coeur. Son fils John V est seul aux commandes. La chasse à LeMond pouvait être ouverte.


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Notre post-scriptum

L'enquête établira que le commanditaire du pirate du LNDD était Floyd Landis.


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Cette page a été mise en ligne le 10/04/2008