Actualité du dopage

Après la controverse, enquête sur une mystérieuse cascade d'abandons lors dune course espagnole


26/04/2024 - lequipe.fr - Thymoté Pinon

Début mars, une fake news devenue virale affolait le monde du cyclisme : selon celle-ci, 130 coureurs avaient disparu avant la fin d'une course par peur d'y subir un contrôle antidopage. Deux mois plus tard, rien ne permet de prouver que plusieurs participants ont cessé leur effort pour de mauvaises raisons.

C'est une course comme il en existe plusieurs en Espagne, des dizaines en Europe, mais qui n'aurait jamais dû faire le tour du monde. Début mars dernier, la presse nationale et internationale s'emparait pourtant de l'événement. Selon L'Équipe, Marca, Eurosport, ou encore Ciclismo Viral, un média colombien, 130 coureurs avaient abandonné à quelques kilomètres de l'arrivée de la sixième manche des Interclubs de Vinalopó. (...)

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Dureté de l'étape et délais d'élimination rédhibitoires

Sauf que la machine était lancée et qu'elle s'est rapidement emballée. (...)

Que s'est-il réellement passé entre ces montagnes qui s'élèvent ici et là, autour de Villena, ville de 33 000 âmes et théâtre de la sixième étape des Interclubs de Vinalopó, le 2 mars ? Tout est parti d'un article publié sur le site spécialisé Ciclo 21 au lendemain de la course. Le journaliste Fernando Ferrari y raconte ce qu'il pense être une petite bombe. « La présence - ou les rumeurs - de contrôles antidopage peuvent entraîner des abandons ou des non-présentations. (...) Les chiffres sont clairs. À Villena, 182 coureurs étaient inscrits. À l'arrivée, ils n'étaient que 52. » « Le problème, c'est qu'il n'a pas appelé et qu'il n'y a eu aucun contradictoire, tranche Jose Luis Sabater, directeur des Interclubs depuis 2009. On lui aurait expliqué, raconté. Là, il est loin de la vérité... »

Qui dit vrai, alors ? Depuis son magasin dédié au cyclisme, entre deux vélos blancs et des gels orange visant à éviter les fringales, Sabater entame sa défense et déroule un argumentaire limpide, en trois points.

1. « 150 coureurs ont pris le départ et non 180, énonce le directeur. Ce dernier chiffre correspondait aux pré-inscriptions et non au nombre de coureurs qui ont effectivement effectué la course. 52 participants ont terminé l'étape. Cela nous amène à 98 abandons, pas 130. » Ces chiffres sont effectivement accessibles, en deux clics, sur le site des Interclubs.

2. « Si l'on s'intéresse aux classements historiques de nos courses, on se rend compte que la manche de Villena est toujours la plus dure et qu'entre 60 et 65 coureurs la terminent, chaque année, poursuit Sabater. Cette année, il y a eu une chute à 4 kilomètres de l'arrivée. Celle-ci a entraîné huit abandons. Sans ces huit abandons, le nombre de finisseurs aurait, peu ou prou, été le même que lors des précédentes éditions. »

Là encore, ces affirmations sont facilement vérifiables. Le Mag a notamment pu consulter des vidéos et une chute, violente, a bien eu lieu au kilomètre 84. Un coureur, Gonzalo Albir, s'est même fracturé une vertèbre à cet instant.

3. « Sur cette étape, la "capsule de sécurité" ne s'élevait qu'à trois petites minutes, pour des raisons qui regardent les autorités locales, conclut Sabater, sûr de son fait et ravi d'avoir l'occasion de s'expliquer. Ces dernières nous ont dit qu'elles ne pouvaient sécuriser la route que pour tous les coureurs qui se trouvaient à moins de trois minutes du premier d'entre eux. Dans ce type de course, lorsque vous ne roulez pas dans ces délais, vous êtes, de fait, éliminés. »

Aujourd'hui, plusieurs coureurs confirment qu'un tel dispositif avait été mis en place et qu'il a contribué à évincer un tas de partants.

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Parmi les coureurs ayant pris le départ, seuls quelques cas font aujourd'hui débat. « Je dirais qu'une immense majorité des coureurs ont été éliminés "naturellement" et qu'environ dix d'entre eux n'ont pas terminé à cause de circonstances... étranges », affirme Castella. La course de l'ex-professionnel Oleg Chuzhda soulève, par exemple, de vraies questions. Alors qu'il faisait partie des cinq premiers à quelques kilomètres de l'arrivée, l'Ukrainien n'a pas franchi la ligne. Son tracé Strava, toujours disponible sur son profil, s'arrête net. Le coureur semblait pourtant avoir des « cannes ». Il avait même remporté l'étape précédente, à Almansa, en mettant 44 secondes dans la vue du deuxième.

Sous un résumé vidéo de la course publié sur YouTube, un internaute pose deux questions : « Qu'est-il arrivé aux trois coureurs qui poursuivaient les deux premiers ? À deux ou trois kilomètres de l'arrivée, ils étaient ensemble et puis à la ligne, on constate qu'Oleg (Chuzhda) ne termine pas la course. Rien de ce qui s'est réellement passé n'a été filmé ou commenté dans la vidéo ? » Aujourd'hui, les organisateurs concèdent que le cas de Chuzhda, injoignable, a de quoi interpeller. Ils indiquent que le coureur leur a affirmé avoir crevé puis précisent que seules quatre personnes parmi l'équipe organisatrice savaient qu'un contrôle antidopage aurait lieu, ce jour-là.

Des coureurs ont-ils pu recevoir l'information ? « Rien n'a circulé, pense Castella. Ou alors, je n'ai pas été mis au courant. Personnellement, je ne l'ai appris qu'une fois la ligne d'arrivée franchie. » Martin Fajardo, 5e de l'étape, n'est pas aussi catégorique. « Certains coureurs pourraient avoir été informés et être descendus pour éviter les contrôles, estime l'Espagnol. En tous les cas, je trouve positif que des tests soient effectués sur ce type de courses. »

Neuf contrôles urinaires effectués par l'agence espagnole antidopage

L'agence espagnole antidopage (CELAD) se contente, elle, d'indiquer avoir fait son boulot(...)

« Le 2 mars, nous avons effectué neuf contrôles urinaires (dont les résultats n'ont pas encore été communiqués), conformément au Plan de Contrôle Antidopage du CELAD. Il convient de noter l'engagement des organisateurs de l'épreuve dans la lutte contre le dopage. Leur site comprend une section antidopage ainsi que des liens vers des informations et des vidéos sur le sujet. Ils précisent, enfin, que des contrôles peuvent être effectués lors de leurs courses. » L'agence rappelle également que des contrôles avaient déjà été effectués lors des Interclubs de Vinalopó, en 2017.

« Cette année-là, nous les avions même demandés et financés, indique Sabater. Nous en avions marre que des coureurs s'accusent entre eux. » Aujourd'hui, le président des Interclubs semble avoir digéré cet épisode mais confie qu'il se serait bien passé de toute cette mauvaise pub. (...)


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Cette page a été mise en ligne le 26/04/2024