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Cadel Evans : Close to flying

2010 - cyclisme-dopage.com - Marc Kluszczynski


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Cadel Evans : le cycliste honnête

Il a le moral, Cadel Evans ! Et il aime le vélo. Car il a bien conscience d'avoir été souvent battu par des tricheurs. Son biographe, Rob Arnold, nous assure que son sang est pur. On veut bien le croire, surtout quand on sait que le cycliste australien a porté le maillot de leader dans les 3 grands Tours (Giro 2002, Tour de France 2008, Vuelta 2009) sans en avoir jamais remporté un. Il est aussi le seul cycliste à avoir été N°1 mondial en VTT (cross-country en 1998 et 1999) et sur route en 2007.Mais on n'en apprendra pas beaucoup plus sur le sujet sensible qu'est le dopage car l'Australie est devenue une grande nation du cyclisme mondial. Rob Arnold a donc écrit ce livre sur le ton d'une épopée chevaleresque. On croirait être devant sa télé durant la retransmission du Tour de France. Rob Arnold glorifie l'effort du coureur et écrit avec emphase. Le titre du livre pourrait paraître équivoque : quand on dit d'un coureur qu'il vole, on peut vouloir dire que l'on doute de l'honnêteté de sa performance. Cadel Evans emploie cette expression pour qualifier la sensation qu'il ressent lors de sa descente favorite en VTT, l'Hermosa Creek Trail, où il a presque la sensation de planer dans la forêt.

Les années VTT (1992-2001)

Dès 1993, alors qu'il est junior 1ère année, Cadel Evans gagne tout en cross-country ; il devient champion national à 16 ans. En compétition, il met toujours un tour à ses poursuivants et gagne avec plusieurs minutes d'avance. Il entre ensuite à l'AIS (Australian Institute of Sport) où un entraîneur de l'ex-Allemagne de l'Est (Heiko Salzwedel) s'occupe des cyclistes sur route. Ses capacités physiques sont énormes ; aucun sportif australien n'a depuis approché sa valeur de la VO2 Max qui se situe dans les valeurs hautes de 80 ml/ min /kg. Son hématocrite s'est toujours situé entre 42 et 44% ce qui, pour son entraîneur Damian Grundy, exclut toute possibilité de dopage à l'époque. Salzwedel, qui était un entraîneur de la vieille école, a permis à l'Australie d'être présente dans le cyclisme mondial. Il quitta ce pays en 1998 pour aller chez T-Mobile. Il travailla ensuite peu de temps en Angleterre puis offrit ses services au Danemark jusqu'en 2008.

Aux championnats du monde de Cairns en 1996, Cadel Evans se classe 5ème en catégorie Elite. Rob Arnold ne cite pas un mot de la victoire de Jérôme Chiotti acquise avec 3min 30 sec d'avance grâce à l'EPO, l'hormone de croissance, la testostérone, et les corticoïdes. Dans sa confession courageuse, Jérôme déclara : " J'ai été champion du monde en Australie grâce à l'EPO " et encore : " Je ne suis pas celui qui amena l'EPO et la GH dans le VTT ".Miguel Martinez dominait en catégorie jeune (U23). Déjà habitué aux places d'honneur et n'ayant jamais été champion du monde, Cadel Evans voulait participer aux JO d'Atlanta 1996 qui accueillaient pour la 1ère fois le VTT mais il ne s'y classa que 9ème. Brentjens était champion olympique.

Le passage à la route

Jusqu'en 1991, la TV australienne ne retransmettait pas le cyclisme. C'est en regardant le résumé du Tour à l'époque des victoires d'Indurain que Cadel Evans est attiré par l'événement. Dès 1998, il envisage de passer définitivement à la route mais il attend les JO de Sydney 2000 où il se classe 7ème alors que Miguel Martinez est champion olympique. L'australien participe néanmoins dès 1998 à quelques compétitions sur route avec l'équipe Saeco. La motivation pour le VTT décline en 2001 où il ne gagne aucune compétition. Après 8 ans de VTT, il passe à la route, suivant en cela l'exemple de John Tomac, VTTiste australien qui courut pour 7-Eleven. En 2002, il signe chez la Mapei. Le Pr Aldo Sassi devient son entraîneur.

Les grands Tours

Son premier grand Tour sera le Giro 2002. Il est domestique du leader Paolo Bettini. Dans l'équipe figurent Cancellara, Freire, Miguel Martinez et Garzelli qui sera positif au probénécide. Il endosse le mailot rose à la 16ème étape et devient le leader de la Mapei devant des équipes comme la Telekom, peut-être aidé par la perquisition générale des carabinieri dans les chambres des coureurs ! Mais le lendemain, lors de l'étape des 5 cols, il a une terrible défaillance et perd 17 min en 7 km dans le Passo Coe. Cadel Evans finit dans un état second. Les observateurs étaient surpris car c'était l'époque où les coureurs semblaient n'avoir pas de limite dans leur performance.

En 2005, l'équipe Davitamon-Lotto l'engage sur le Tour de France. Dans l'étape de Courchevel, Armstrong place plusieurs accélérations. Ullrich, Landis, Leipheimer cèdent. Cadel Evans se retrouve avec Basso, Rasmussen, Mancebo, Valverde qui seront tous impliqués plus tard dans des affaires de dopage. Mais l'australien lâche prise à 6 km de l'arrivée et déclare : " C'était démoralisant de voir Armstrong bien en deçà de ses capacités, comment rivaliser avec lui ? ". Rob Arnold, lui, aime nous raconter des histoires fabuleuses. Il écrit : " Si Lance Armstrong a gagné 7 Tours, c'est qu'il était concentré sur ce seul objectif. Il n'y aura plus jamais un athlète comme lui. Avec sa victoire sur le cancer, il devient un modèle pour des millions de personnes. Il croit au miracle et aide les autres à y croire aussi. Merci Lance ! Au revoir ". Pour ses débuts sur le Tour, Cadel est 8ème. Il précise : " Au moins, c'est ce que disent les résultats ". Par la suite, tous les coureurs le précédant seront impliqués dans des affaires de dopage. Et si c'était lui le vainqueur du Tour 2005 ?

Sur le Tour 2006, Cadel Evans juge le numéro de Landis le lendemain de sa défaillance : " C'est la performance la plus incroyable que j'ai jamais vue ! ". Par une température de 40°C, Landis était à 38 km/h dans une côte à 10% ! D'après l'australien Michael Rogers, Landis " volait ". Evans récupère la 4ème place (qu'il insiste avoir réalisée sans dopage) et améliore le classement de Phil Anderson (5ème en 82 et 85).

Après le Tour 2007 qu'il termine à la 2ème place (à 23 secondes de Contador), il exprime ses doutes sur l'espagnol : " C'est un coureur si fort, qui, lorsqu'il est victime d'un problème de chaîne qui le relègue à 30 secondes, il est non seulement capable de revenir sur le peloton, mais encore d'attaquer ". En 2008, Carlos Sastre devient le 3ème espagnol à gagner le Tour en 3 ans, dirigé par Riis qui déclare avant le dernier contre-la-montre : " Je le ferai voler ! ". On peut lui faire confiance. Cadel Evans finit à la 2ème place de ce Tour, à 58 secondes de Sastre. Mais Rob Arnold vient tempérer l'avis de Cadel Evans. Le journaliste australien décrit Contador comme un grimpeur que l'on n'a pas vu depuis plusieurs années, avec une vitesse en côte exceptionnelle et une accélération supérieure à celle de Pantani. Dans le même registre, il nous parle de la domination formidable d'Astana sur le Tour 2009 puis remplit quelques pages avec des descriptions d'étapes que l'on a envie de sauter.

La montée de Verbier du Tour de France 2009

Dans la montée de Verbier, Contador s'envole : même les motos des journalistes n'ont pas su répondre à son accélération ! Le belge Jürgen Van den Broeck, lieutenant de Cadel Evans chez Silence-Lotto, n'a pas réussi à emmener son leader. Van den Broeck, ancien de l'US Postal et de Discovery Channel, réalisera un très bon Tour 2010 (5ème). Cadel Evans déclare : " Pendant que tous les coureurs luttaient sur la pente, l'espagnol semblait être sur une route plate ". Il finit 7ème de l'étape mais est démoralisé. Il s'effondre la 3ème semaine et finira 30ème à Paris. Il se rend compte qu'il est face à une tâche impossible : suivre les meilleurs.

Cadel Evans sera 26ème du Tour 2010, qu'il a voulu terminer à tout prix malgré un trait de fracture au coude. Il est toujours aussi motivé et aime toujours autant le vélo. Peut-être pourra-t-il réaliser son rêve de gagner enfin le Tour de France. Il serait alors le meilleur ambassadeur du nouveau cyclisme à venir.

Rob Arnold a failli écrire un ouvrage digne de figurer dans la bibliothèque rose du cyclisme. Les quelques passages intéressants concernent les interviews de Cadel Evans... immédiatement suivies des envolées du biographe. Finalement, on n'apprend pas grand-chose sur le dopage. Les doutes que l'on avait (et que partage Cadel Evans) sont confirmés par les événements récents. C'est déjà pas si mal ! On aurait pu avoir Thor Hushovd, le champion du monde 2010 qui déclare : " Je n'ai jamais vu de dopage dans le cyclisme ".


Marc Kluszczynski est pharmacien
Il est titulaire du diplôme universitaire de dopage de l'université de Montpellier (2006)
Il est responsable de la rubrique "Front du dopage" du magazine Sport & Vie et collabore à cyclisme-dopage.com



Cette page a été mise en ligne le 26/07/2011