Dossier dopage



L'Allemagne envisage de mettre les sportifs en prison

13/11/2014 - lexpress.fr - Thomas Schnee, Berlin


Pour la première fois de son histoire, l'Allemagne est sur le point d'introduire une loi entièrement consacrée à la lutte contre le dopage. "C'est une loi courte, claire, efficace et dure", a déclaré le ministre de l'Intérieur Thomas de Maizière lors de la présentation hier à Berlin. "Ce texte était attendu depuis longtemps. C'est une déclaration de guerre aux dopeurs", a claironné pour sa part le ministre de la Justice Heiko Maas.

Parmi les nouveautés du texte, on trouve avant tout la reconnaissance de la responsabilité pénale des sportifs se dopant et de leurs complices, passibles à l'avenir de peines de prison allant jusqu'à trois ans. Celles-ci pourront même s'élever jusqu'à dix ans si le dopage mis à jour met en danger la santé "d'un grand nombre de personnes". A titre de comparaison, la loi française équivalente ne prévoit que des "sanctions administratives". Le projet de loi va désormais être soumis à un débat public. Il ne sera adopté en Conseil des ministres qu'en avril 2015. Néanmoins, il est porté par les deux grands partis de la coalition gouvernementale et a déjà franchi les arbitrages interministériels. Il ne devrait donc plus connaître que des modifications mineures.

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Jusqu'à présent, le sportif qui se dope n'était pas considéré comme pénalement responsable. Par ailleurs, la lutte contre le dopage en Allemagne s'appuie sur des éléments législatifs hétéroclites, tels certaines dispositions des lois sur les médicaments et sur les stupéfiants ou encore sur le blanchiment d'argent. Enfin, en cas de découverte d'un cas de dopage, ce sont essentiellement les tribunaux sportifs qui sévissent, via des suspensions allant jusqu'à deux ans, souvent synonymes de fin de carrière.

Face à cela, la nouvelle loi constitue donc un vrai durcissement par rapport au délit de dopage. L'entrée en lice des tribunaux officiels et la mise en cause pénale des sportifs étend ainsi le champ d'action des enquêteurs au-delà des seules compétitions.

La possession de produits dopants va aussi devenir un délit quelques soient les quantités détenues. Jusqu'à présent, seule la possession de quantités "importantes", une notion vague, était punie.

Par ailleurs, il est prévu de renforcer la coopération et les échanges de données entre les tribunaux et les parquets d'une part, et la NADA d'autre part. Ceci devrait permettre d'élargir les enquêtes antidopage et d'aller au-delà de l'arrestation des principaux coupables.

Enfin, la loi n'annule en aucun cas les décisions des juridictions sportives. Le texte précise aussi que la loi concerne les sportifs de haut niveau enregistrés dans les listes de tests de l'Agence allemande antidopage (NADA), soit environ 7 000 personnes, ainsi que les sportifs "tirant des revenus substantiels" de leur activité sportive.

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De manière générale, le projet de loi a été favorablement accueilli par les milieux sportifs et juridiques, tant au niveau allemand qu'au niveau international. Et contrairement au Comité olympique national allemand qui, par la voix de son directeur général Michael Vesper, pose le problème de la double peine et estime que les suspensions prononcées par les tribunaux sportifs sont ce qu'il y a de plus efficace, le président de l'Agence mondiale antidopage basée à Lausanne Craig Reedie, ne voit lui aucun problème dans le principe de double juridiction pénale et sportive.

L'un des principaux experts allemands de la question, le Pr. Werner Franke n'a cependant pas caché sa déception : "Cette loi est stupide", a-t-il déclaré en expliquant qu'il ne comprenait pas pourquoi le texte ne concernait qu'une petite élite et en aucun cas le sport amateur.

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Cette page a été mise en ligne le 14/11/2014