Brève

L'année où l'EPO a changé le vélo, par Greg LeMond


08/07/2009 - Le Monde - Greg Lemond

Combien de fois ai-je pu lire ou entendre des commentaires de jeunes professionnels constatant que le cyclisme prenait une tout autre dimension depuis qu'ils avaient rejoint les rangs d'une équipe pro... En 1996, deux ans après ma retraite sportive, un coureur américain me l'affirma: "Le vélo est bien plus éprouvant maintenant qu'à l'époque où tu roulais."

Je ne saisissais pas franchement le fondement de sa remarque, mais je la mettais sur le compte de l'ego de l'espèce humaine : toutes les générations veulent que ce qu'ils vivent soit plus dur que ce qu'endurait la génération précédente.

Mais la conclusion la plus effarante que j'ai pu entendre de la bouche d'un coureur, pour expliquer les vitesses folles désormais atteintes sur le Tour de France, tenait en un mot : "progrès". Ce professionnel tentait de justifier son ascension fulgurante en assurant que l'évolution de l'être humain pouvait s'effectuer en l'espace de deux ans.

Malheureusement, l'argument ne tient pas. L'évolution humaine ne se constate pas en deux ans, ni même en vingt. Même sur un vélo! De 1981 à 1991, (...) l'intensité de l'effort et la vitesse moyenne ont été constantes et je n'ai jamais eu l'impression que ma première saison avait été largement plus facile que la dixième.

Toutes les théories sur la méthodologie de l'entraînement comme sur la diététique ont volé en éclats en 1991. En 1990, je remporte mon troisième et dernier Tour. Un an plus tard, je termine largué à plus de 13 minutes du vainqueur, Miguel Indurain.

Des vitesses jamais atteintes devinrent la norme. De bons coureurs certes, mais pas des champions patentés, se mirent à survoler la discipline. Ceux qui tenaient le haut du pavé jusqu'alors étaient devenus trop vieux, trop gras ou trop fainéants pour préserver leur rang.

De tout temps, les vainqueurs du Tour de France avaient su démontrer leurs aptitudes lors de leurs deux premières années professionnelles. Mais ce ne fut plus le cas dans les années 1990. Des coureurs alors considérés comme des équipiers et non des leaders se métamorphosèrent en champions. (...)

Pour en avoir le coeur net, j'ai alors décidé de consulter Adrie Van Dieman, l'un des meilleurs physiologistes du monde. Sans réponse, je me tournais alors vers Yvon Van Mol, le médecin de feue l'équipe ADR, avec laquelle j'avais remporté le Tour de France 1989. Je voulais savoir si des études pouvaient expliquer ce qui n'allait plus chez moi. Le docteur Van Mol m'ausculta et ne décela rien de particulier qui pouvait expliquer ma baisse de niveau. Il me fit simplement savoir que j'avais juste besoin d'EPO, de testostérone, d'hormone de croissance pour maintenir ma compétitivité. C'est pourquoi j'ai décidé de mettre un terme à ma carrière.


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Notre post-scriptum

Dans "Tempêtes sur le Tour", Greg Lemond s'explique longuement sur sa fin de carrière. Un témoignage à ne pas manquer.


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Cette page a été mise en ligne le 11/07/2009