Actualité du dopage

Le plateau ovoïde, botte secrète de Bradley Wiggins ?


11/07/2012 - lemonde.fr - Antoine Vayer

L'année 2012 marque-t-elle la fin du dopage et de la droite décomplexés ? De la surpuissance et du méga-pouvoir ? Les chutes de Lance Armstrong et de son ami Nicolas Sarkozy nous faisaient espérer qu'après une Grande Boucle 2011 raisonnable et avec un nouveau président nous allions vivre un Tour "normal".

En 2011, aucun coureur n'a en effet été flashé pédalant à plus de 410 watts de moyenne, seuil de dopage avéré, dans les cols cibles de fin d'étape de montagne. Il y eut bien quelques excès de vitesse chez certains zélés, même français, mais pas de curée comme entre 1994 et 2010. Armstrong, le "boss" américain, après sa première victoire en 1999, décomplexa onze ans durant le dopage, en banalisant celui, "miraculeux", à 430 watts et le mutant à 450 watts ; comme Sarkozy monta en puissance de l'intérieur à l'hyperprésidence. Deux règnes sans partage qui se terminent en chronique judiciaire. (...)

Avec Frédéric Portoleau, ingénieur en mécanique des fluides, nous disséquons depuis 20 ans les puissances développées - en watts - par les coureurs. On peut les calculer indirectement de manière aussi fiable que les compteurs à mesure directe que possèdent plus de 100 coureurs sur cette édition 2012, mais dont l'Union cycliste internationale a interdit curieusement, cette année, la transmission et la publication "en live" pendant les étapes. Les niveaux de puissance nous renseignent sur l'éventuel usage des corticoïdes, de l'Aicar - un produit avec lequel "plus tu manges, plus tu maigris" (sic) -, du TB 500 qui transforme les souris en lièvres, des microdoses d'EPO, des hormones de croissance et autres transfusions.

(...)

Dans cette première partie du Tour, une équipe a crevé l'écran : Sky. Le Britannique Bradley Wiggins et son compatriote Christopher Froome ont écrasé le contre-la-montre, lundi 9 juillet. Dans la petite côte de Quingey (1,8 km à 6,56 %), le maillot jaune a été flashé à près de 450 watts.

Imaginez un moteur collectif hybride, fabriqué avec les coeurs des coureurs de l'équipe Festina version 1997 et les muscles des US Postal façon 2004 ! Sky l'a fabriqué (...) et a pris, grâce à lui, la victoire d'étape, samedi 7 juillet au sommet de la Planche des Belles Filles, et le maillot jaune. Pour se convaincre que la gauche, avec son moteur seulement thermique, avait éventuellement pris le pouvoir, sur le court col final de la Planche des Belles-Filles (5,9 km à 8,53 % de moyenne en dénivelée, avec un faible vent de 10 km/h), nous tablions sur un temps de 16'45 à 450 watts.

Las, le premier piston de chez Sky, Boasson Hagen, dans le Plancher des Mines, faux plat montant de 1,6 % de pente moyenne qui précédait le col, a embrayé à 46,6 km/h pendant 4'20. Froome, en récupérant sans doute l'énergie électrique produite, s'est contenté de renouveler son numéro du col de Pena Cabarga lors de la Vuelta 2011 en levant les bras après 16'23 à 21,6 km/h (467 watts), suivi de près par la deuxième "Audi" Wiggins, avec Cadel Evans et Vincenzo Nibali. Les Français, gauches, sont bien au-delà des 17 minutes avec bien moins de 440 watts.

En extrapolant sur les futures montées plus longues de ce Tour, on devrait sûrement retrouver chez certains des puissances "miraculeuses", proches des 430 watts dans le col alpin de la Toussuire, jeudi 12 juillet ou dans les Pyrénées, au col de Peyresourde, mercredi 18 juillet, comme sous l'ère Armstrong-Sarkozy. Les coureurs de Sky pourraient se prévaloir de gagner 20 à 30 watts grâce à l'utilisation de plateaux de forme ovoïde, dits Osymetric, du nom de la marque française qui les commercialise. Mais sans doute ne le crient-ils pas sur les toits de peur d'être imités par ceux qui les suivent et qui n'ont pas cet argument technologique.

La 2e étape de moyenne montagne qui menait à Porrentruy, le 8 juillet, où les Français du pays passé à gauche ont essayé de se décomplexer en partant de loin, nous a fait espérer avec la victoire à l'arraché de Thibaut Pinot. Elle a surtout confirmé que le libéralisme contrôle toujours les événements et, pour l'essentiel, le classement général. Dans le col de la Croix (3,8 km à 9,18 %), dix coureurs ont mis les gaz en développant 453 watts en 11'27 et failli rattraper notre valeureux gaucho Pinot. Le changement, ce n'est pas maintenant. Les thatchéristes et quelques alliés pédalent trop puissamment et vont dominer le reste du monde.


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Cette page a été mise en ligne le 15/07/2012