|
Actualité du dopage |
Dans une tribune au « Monde », le Britannique, quadruple vainqueur du Tour de France, rappelle, à la veille du départ de la Grande Boucle, qu'il a été blanchi dans l'affaire de contrôle antidopage anormal.
Très prochainement, le plus grand événement cycliste annuel va s'élancer depuis la Vendée. Je suis fier de prendre le départ de ce Tour de France en tant que tenant du titre. (...)
Je dois cependant reconnaître que les préparatifs de cette course n'ont pas été des plus évidents. Que ce soit pour moi, pour les organisateurs de la course et pour vous, tous les fans de cyclisme et Français, bref tous ceux qui représentent le véritable coeur du Tour de France.
Des tests antidopage anormalement élevés en raison d'un traitement de mon asthme lors du dernier Tour d'Espagne ont soulevé de légitimes questions, à commencer par moi. Lundi 2 juillet, la décision de l'Union cycliste internationale (UCI), l'autorité mondiale du cyclisme, et de l'Agence mondiale antidopage (AMA) a enfin permis de regarder vers l'avenir et surtout de tirer un trait définitif sur cette affaire de manière à me concentrer exclusivement sur le vélo et la course.
Cela étant dit, je dois reconnaître que ce sont des cas complexes, qui souvent vont être réduits à un titre ou à une phrase. J'en ai la conviction : les Français sont des personnes justes et à l'esprit aiguisé. Je sais par ailleurs que beaucoup d'entre vous n'auront pas pu suivre tous les détails de l'affaire. C'est pourquoi j'ai ressenti le désir d'exposer simplement les faits comme ils se sont déroulés afin que vous puissiez forger votre propre opinion.
Un contrôle anormal
Je souffre d'asthme depuis l'enfance et, comme des millions d'asthmatiques, j'utilise un inhalateur de Salbutamol afin d'en soulager les symptômes. Vers la fin du Tour d'Espagne (la Vuelta), mon asthme s'est aggravé, ce qui m'a conduit à augmenter le nombre de bouffées, conformément à l'avis médical dans le but de traiter le problème.
Je connais parfaitement les règles et je sais exactement combien de bouffées j'ai le droit de prendre. Je sais aussi que je vais subir un test antidopage à la fin de chaque journée lorsque je porte le maillot de leader. J'ai en effet été contrôlé à vingt-trois reprises pendant la Vuelta. Il est aussi important de noter qu'un inhalateur pour asthme n'entraîne aucune amélioration de la performance. Ce n'est tout bonnement qu'un traitement médical.
Quelques semaines plus tard, on m'a fait savoir que, alors que j'avais augmenté mes doses pendant toute la dernière semaine de la course, l'un des résultats était plus élevé que les autres, bien au-dessus des limites fixées par l'AMA. (...)
C'était alors censé rester confidentiel. Dans ces circonstances, avant d'être jugé, n'importe quel athlète jouit de l'opportunité de pouvoir expliquer ce qui a pu se passer. Tous les ans, d'autres athlètes reçoivent une notification de contrôle anormal. Ils s'expliquent et voient l'affaire classée sans suite. Dans mon cas, la différence a été que la clause de confidentialité a malheureusement été violée. Et son contenu a été dévoilé au grand public.
Le piège du jugement hâtif
Bien sûr, lorsque cela est arrivé, il était inévitable que certaines personnes allaient tomber dans le piège du jugement hâtif. C'est extrêmement dur pour toute personne qui n'a rien fait de mal de voir son intégrité remise en question. Néanmoins, je suis réaliste, je connais l'histoire de notre sport - parfois agréable, parfois sombre - et je serai le dernier à me plaindre des excès de vigilance des acteurs de ce sport et du public.
La décision de l'UCI de me blanchir a fini par être prise après neuf mois d'analyses méticuleuses. Si cette décision a pris plus de temps à venir que ce que le monde souhaitait, cela signifie que nos scientifiques et les experts de l'UCI et de l'AMA ont tous eu l'opportunité de regarder dans les moindres détails tous les éléments du dossier. Le temps que cela a pris devrait permettre à chacun de réaliser à quel point ces experts ont accompli leur travail avec méticulosité et professionnalisme.
Alors, après la décision de l'UCI et de l'AMA, que savons-nous ? Tout d'abord, la principale information que l'on en retire est qu'il est possible de prendre la même dose de salbutamol tous les jours et d'avoir des résultats différents. Cela signifie qu'il n'y a pas forcément de corrélation fiable entre ce que vous inhalez et ce que vous excrétez.
On sait par ailleurs qu'un résultat peut être significativement affecté par la déshydratation. Je n'ai pas atteint le double de la limite autorisée comme cela a été reporté : j'étais en vérité moins de 20 % au-dessus de cette limite une fois mon résultat ajusté par rapport à la déshydratation qui me frappait à ce moment-là. C'était assez intéressant d'entendre cette semaine les inquiétudes de l'un des scientifiques responsables de la régulation du salbutamol pour le compte de l'AMA au sujet des forts risques de faux positifs.
Le risque de faux positifs
Après le renvoi de mon affaire, je suis sûr que ces questions seront examinées d'urgence, car personne ne veut qu'un athlète propre se retrouve dans une situation semblable. J'aimerais beaucoup voir la publication des études scientifiques sur lesquelles la création de la législation actuelle et mon blanchiment se sont fondés.
(...)
J'étais tout à fait sincère en disant sur le podium des Champs-Elysées que je ne déshonorerai jamais le maillot jaune, et que mes résultats résisteront à l'épreuve du temps. J'adore ce sport, et je suis un passionné du Tour. Gagner n'importe quelle course par le mensonge serait pour moi une défaite personnelle. Je ne pourrai jamais me permettre cela.
(...)
Cette page a été mise en ligne le 07/07/2018