Dossier dopage

Laxisme rime avec cyclisme


31/07/2002 - Libération (Alain LEAUTHIER)

Patrice Clerc, responsable de la Société du Tour, exprimait une crainte avant le départ de l'édition 2002 : "S'il n'y avait pas de contrôle positif, cela ne traduirait pas une situation saine." Or, sauf surprise en fin de semaine avec les résultats des tests effectués lors des dernières étapes, les quelque 150 contrôles antidopage pratiqués pendant trois semaines risquent de se révéler tous négatifs.

Situation malsaine mais aussi paradoxale : un seul cas aurait suffi aux dirigeants du Tour et de l'Union cycliste internationale (UCI) pour prouver leur bonne volonté (et leur efficacité) à lutter contre le dopage, réduit à des dérapages individuels. Mais la brebis galeuse a fait défaut. Ou tout au moins a été épinglée par d'autres instances que celles supposées assurer l'éthique du cyclisme professionnel. En l'occurrence les douanes. Comme, en 1998, au début de l'affaire Festina.

Certes, Raimondas Rumsas est présumé innocent. Mais les gens de l'UCI avaient de sérieux doutes à l'égard de ce Lituanien (...). Pour Rumsas, par trois fois, les tests se sont révélés négatifs. D'où cette équation : quand l'UCI contrôle, rien ne se passe. Quand d'autres (douanes, police) le font, rien ne passe : ni testostérone, ni corticoïdes, ni EPO, le cocktail qui vaut aujourd'hui à son épouse, Edita, une mise en examen. D'où aussi ces questions récurrentes : l'UCI ne sait-elle pas (ou ne peut-elle pas) contrôler les multiples formes du dopage sévissant dans le milieu cycliste ? En a-t-elle seulement envie ?

La réponse à la première interrogation revient à faire le constat du flou artistique autour des notions de "positif" et de "négatif" (...). La volonté de l'UCI, sinon d'éradiquer, du moins de porter un coup sérieux à la "culture du dopage" dans le peloton, reste plus que jamais sujette à caution. L'hypocrisie du "dopage sur ordonnance" en est une nouvelle illustration. En 1999, le Colombien Botero (vainqueur du contre-la-montre individuel le 15 juillet) avait été suspendu six mois pour un taux de testostérone excessif. Cette année, même constat, mais il disposait d'un dossier médical justifiant son état. Mieux : le 12 juillet, on relève 1 360 nanogrammes par millilitre de Salbutamol (...) dans les urines d'Igor Gonzalez de Galdeano, alors maillot jaune ; la norme autorisée est de 1 000. Mais l'Espagnol a une justification dans son livret de santé, validé par l'UCI.

Cette situation a entraîné une prise de bec entre l'UCI et l'Agence mondiale antidopage (...), dont les directeurs sont venus pour la première fois sur le Tour. Car leurs projets, en accord maintenant avec le CIO et les gouvernements européens les plus avancés dans la lutte antidopage, placent très bas les seuils acceptables, même avec prescription médicale. Et le milieu cycliste (...) n'est pas à la pointe de ce combat. Le serait-il que tout ne serait pas réglé. Comme le souligne Patrick Laure, chercheur à l'université de Reims, l'UCI peut contrôler les individus, éventuellement mieux et plus massivement, il ne lui revient pas de combattre le dynamisme des réseaux parallèles (voire mafieux) de distribution des produits interdits. Combat au demeurant bien difficile : "Il y a beaucoup de moyens, et depuis longtemps, dans la lutte contre le trafic des drogues, et pourtant on en trouve toujours autant.".


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Cette page a été mise en ligne le 15/07/2007