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Actualité du dopage |
Entretien avec François Poyet, médecin fédéral
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Une idée reçue est morte à Lille, celle que, si tous les coureurs se dopent, ils restent à égalité, une marche plus haut.
C'est un grand enseignement du procès. Non seulement un Bassons n'a aucune chance de gagner contre des coureurs dopés, car, d'un cheval de trait, le dopage fait un pur-sang. Mais au sein des coureurs dopés, il y a une inégalité. Le dopage fausse doublement les classements sportifs. Les organismes ne réagissent pas pareil aux mêmes protocoles. Gérard Dine (un des spécialistes français du suivi longitudinal, ndlr) avait souligné cela au congrès de la médecine dans le cyclisme d'Auray, pendant les championnats du monde à Plouay le mois dernier. L'EPO n'a pas les mêmes effets sur tout le monde. Elle agit sur les récepteurs au niveau des globules rouges qui réagissent plus ou moins. Certains voient leur hématocrite ne monter que légèrement sous EPO. Pour les hormones de croissance, c'est la même chose. Cela permet d'utiliser la filière des lipides pour produire de l'énergie en faisant fondre les graisses. Cela marche mieux sur certaines morphologies.
La généralisation du dopage concerne aussi les amateurs. Les témoignages des anciens coureurs, racontant n'avoir découvert les amphétamines ou les corticoïdes que dans le milieu professionnel, sont éloquents par rapport à la réalité vécue par les plus jeunes.
C'est vrai que, désormais, à l'exception de certains clubs, les coureurs qui se font remarquer en Elite 2 sont des jeunes qui ont déjà sombré dans le dopage. Un jeune du Comité Auvergne, Ruberti (1) (2), vient de signer un contrat de stagiaire chez Memory Card, l'équipe de Bjarne Riis que Jalabert a rejointe. Il était connu pour gagner plein de courses en région grâce aux corticoïdes. Désormais, il est passé à autre chose puisqu'il vient de se faire suspendre 15 jours pour hématocrite trop élevé. Ce sont ces coureurs qui se font repérer en régions par les équipes pro.
Vu la faillite de l'UCI, ne faut-il pas, comme l'ont demandé plusieurs intervenants, enlever la lutte antidopage aux autorités sportives?
Il est évident qu'elle doit être confiée à des autorités autonomes. Quand on pense que l'argent de l'UCI a servi à financer les travaux de Conconi (le médecin italien, membre d'une commission de l'UCI, qui a généralisé l'utilisation de l'EPO dans le sport, ndlr) sur l'EPO, on ne peut s'étonner du retard pris dans sa détection. L'UCI est impliquée dans ce système. Le dopage, ce n'est pas seulement un coureur «qui prend», c'est un ensemble qui englobe le club, le sponsor, l'UCI et les organisateurs de course. Que la société Festina soit partie civile au procès me semble le comble de l'aberration. (...)
Vous connaissez bien Daniel Baal, comment analysez-vous son rôle?
Le rôle de la fédération n'est pas clair, de l'affaire Brochard, avec ce faux certificat antidaté pour qu'il conserve son titre mondial à Saint-Sébastien (Espagne), au fait de laisser le docteur Rijckaert intervenir sur des coureurs de l'équipe de France en championnat du monde. Cela fait un moment que Daniel Baal veut quitter le cyclisme où il a fait de réels sacrifices professionnels, écoeuré par autant de tricheries. Mais s'il part, ce sera pire. Il ne faut pas espérer qu'un Christophe Bassons soit élu à la présidence. On reviendra à l'enterrement systématique des affaires de dopage, comme avant.
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L'avocat de Willy Voet voulait citer deux responsables de France 2 comme témoins qui se sont défilés. Qu'en pensez-vous?
La télévision qui achète les droits du Tour de France est complice du système, avec ses commentaires invariables. Richard Virenque, prévenu à Lille, est une création du Tour de France et de la télévision. Neuf victoires seulement en dix ans de carrière et 700 000 francs de salaire mensuel, a-t-on appris à Lille! Le public au bord des routes aussi est complice, même s'il ne tire, lui, aucun profit de la popularité de Virenque.
Cette page a été mise en ligne le 10/09/2005